

Brian Wilson, le génie fou des Beach Boys
Brian Wilson, le génial fondateur des Beach Boys, inventa la bande-son du mythe californien des sixties avant de sombrer dans une dépression dont il sortira 35 ans plus tard pour achever "Smile", son chef d'oeuvre.
De 1962 à 1966, ce prodige de la pop américaine, dont la mort a été annoncée par sa famille mercredi, composa la musique la plus heureuse du rock avec plus de 200 hymnes au soleil, au surf et aux filles bronzées ("Surfin' USA", "I get around", "Fun Fun Fun", "Surfer girl") et fit des Beach Boys le groupe américain ayant vendu le plus de disques au monde.
De ses 19 à 24 ans, le bassiste et chanteur fut à lui seul l'égal des Beatles. John Lennon considérait "Pet Sounds" (1966) comme l'un des meilleurs albums de tous les temps.
Après l'innocence des premières compositions, le chanteur y ruminait la perte de la jeunesse et engageait son groupe vers un rock plus psychédélique aux origines de la culture hippie.
Mais en 1967, sa santé mentale dégradée par une folle consommation de drogues le fait exploser en plein vol, le rendant incapable de finir "Smile".
C'est à l'heure de la retraite en 2002, après une longue nuit émaillée d'internements, de cures et de rechutes, qu'il parachèvera son chef d'oeuvre.
"Garçon de plage", Brian Wilson ne l'était finalement que sur les pochettes de ses disques. A 20 ans, il n'a jamais surfé et présente déjà quelques rondeurs malgré sa grande silhouette carrée. Sourd de l'oreille droite, sa bouche se tord lorsqu'il parle. Les coups répétés de son père en seraient responsables.
- Surf-music -
Né le 20 juin 1942 en Californie, Brian Wilson trouve dans la musique un refuge et joie. Autour de l'orgue Hammond du salon, il apprend à ses frères les harmonies du jazz et des gospels. En 1961, à Hawthorne, en banlieue de Los Angeles, il forme un groupe avec ses deux frères Dennis et Carl, son cousin Mike Love et un voisin, Al Jardine.
Après un premier titre "Surfin'" (1961), mariant le rock de Chuck Berry et de Little Richard et les harmonies vocales des "Four Freshmen", les cinq jeunots s'adonnent à la "surf music". Fin 1962, avec "Surfin' USA", tous les adolescents connaissent les Beach Boys.
Introverti, Brian Wilson supporte mal la scène. En 1964, il fait une crise de panique dans un avion allant vers Paris: il arrête les tournées et se terre dans son studio.
Vissé à son piano qu'il a planté dans un bac à sable, il gobe LSD et acides et compose toutes les mélodies du groupe. Les autres n'ont qu'à y plaquer leurs voix. "Ma créativité a augmenté plus qu'espéré, l'inconvénient, c'est que cela a bousillé mon cerveau", concédait-il en 2019 auprès du magazine Rolling Stones.
- Mille-feuilles sonore -
En 1966, il dévoile "Good Vibrations", un mille-feuille sonore monté en six semaines. Le single se vend à un million d'exemplaires aux Etats-Unis.
Avec Van Dyke Parks, un musicien proche de la Beat Generation, il s'engage dans "Smile", "une symphonie adolescente à Dieu". Ils enregistrent des dizaines de thèmes (grognements, perceuse, rires hystériques) pour créer un système d'échos proche du mur du son de Phil Spector.
De plus en plus défoncé, il se croit espionné par ce producteur de la côte est et les Beatles. Ses comparses sont effrayés. Diagnostiqué schizophrène, Brian Wilson abdique.
Il n'a que 25 ans et sa carrière est pratiquement terminée. Il passe le plus clair de son temps alité, double de volume, survit entre deux compositions sous la coupe d'un thérapeute malhonnête. Les Beach Boys, eux, vivent sur leur réputation de chanteurs en chemisette. Dennis, fortement alcoolisé, se noie en 1983; Carl meurt d'un cancer en 1998.
Mais en 2002, le miracle advient: remarié et père de cinq enfants adoptés (7 en tout), "le Mozart de la pop" se repenche sur "Smile". D'abord en concert où il réapparaît tel un spectre pomponné puis sur un disque, Brian Wilson redonne une forme cohérente à cet album devenu entre temps le mythe de sa jeunesse retrouvée.
Atteint de démence à la fin de sa vie, il avait été placé sous tutelle en mai 2024.
O.Meyer--VZ