

Premier jugement mardi contre un religieux traditionaliste de Riaumont
Le tribunal correctionnel de Béthune (Pas-de-Calais) rend mardi son jugement à l'encontre d'un religieux de Riaumont accusé d'avoir consulté et détenu de nombreux fichiers pédopornographiques, le premier procès autour du "village d'enfants" de cette communauté catholique traditionaliste au cœur de plusieurs enquêtes.
Deux ans de prison, dont un ferme, ont été requis contre Alain H., l'ancien prieur de la communauté, lors de son procès le 11 mars. Le délibéré est attendu à 13H30.
D'anciens pensionnaires du "village d'enfants" de Riaumont, dont certains ont porté plainte contre l'institution, ont prévu d'être présents au délibéré, après avoir déjà assisté au procès.
Situé sur un vaste domaine boisé à Liévin, Riaumont a démarré dans les années 1960 comme foyer d'accueil pour enfants placés par les services sociaux, aux côtés d'enfants de familles traditionalistes.
Outre l'affaire de pédopornographie concernant son ancien prieur, la communauté de Riaumont est visée par d'autres enquêtes pour violences, agressions sexuelles et viol sur mineur.
A l'audience du 11 mars, Alain H., 61 ans, vêtu d'une soutane beige, a nié une grande partie des faits qui lui sont reprochés, s'étalant de 2012 à 2017. Il a contesté à la barre que la majorité de ces images mettaient en scène des mineurs, jeunes garçons ou adolescents, comme le nombre de fichiers illicites retrouvés sur ses ordinateurs - environ 2.000 selon les enquêteurs.
Il a même affirmé que ses recherches sur des sites pornographiques s'inscrivaient dans le cadre d'une "étude anthropologique, sociétale, éducative", pour mieux comprendre la jeunesse d'aujourd'hui.
La procureure a estimé que le prévenu avait la volonté de "manipuler" ses interlocuteurs en faisant croire qu'il y avait une quelconque "dimension scientifique à tout ça".
Son avocat Me Octave Nitkowski a dit lundi à l'AFP espérer la relaxe de son client car, selon lui, "il y a une confusion dans ce dossier entre pornographie et pédopornographie", et aussi entre "détention et consultation d'images".
- Nouvelles plaintes -
Le parquet de Béthune a aussi récemment requis la tenue d'un procès contre Alain H. et cinq autres religieux de Riaumont pour des faits de violences sur plusieurs dizaines d'enfants entre 2007 et 2019.
Deux autres encadrants de Riaumont sont mis en examen dans le cadre d'une enquête toujours en cours sur des agressions sexuelles.
Une autre enquête en cours concerne une affaire de viol, dans laquelle l'auteur présumé était mineur au moment des faits et le second mis en examen n'est autre qu'Alain H., poursuivi pour "non dénonciation de crime".
La médiatisation du tentaculaire dossier Riaumont est allée crescendo ces derniers mois, dans le sillage de l'affaire Bétharram et de la commission d'enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires.
Le parquet de Béthune a récemment précisé à l'AFP avoir reçu trois nouvelles plaintes concernant Riaumont ces dernières semaines. L'une d'elles incrimine trois religieux de la communauté pour "violences physiques" et "agressions sexuelles" sur mineur, des faits qui seraient non prescrits, remontant à la fin des années 2000.
Après de premières remontées de sévices, Riaumont a perdu en 1982 son agrément pour enfants placés. Mais la communauté a lancé en 1989 une école privée hors contrat, qui n'a fermé qu'en 2019 sur décision administrative, après la révélation des mises en examen de plusieurs de ses membres.
Un arrêté préfectoral pris en janvier interdit aussi à la communauté d'accueillir des séjours de scouts cette année, car ses locaux sont "susceptibles d'héberger des personnes ayant l'interdiction d'approcher des mineurs".
Dans un communiqué publié vendredi, le Collectif de victimes et d'anciens du village d'enfants de Riaumont a toutefois accusé la communauté de continuer à tenter d'attirer des mineurs "par tous les moyens", et a demandé à l'Etat de renforcer son contrôle.
Les deux corapporteurs de la commission d'enquête parlementaire, les députés Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Paul Vannier (LFI), ont effectué une visite sous tension à Riaumont début avril.
Mme Spillebout avait alors comparé Riaumont à un "bagne", avec "une histoire de souffrance, de travaux forcés".
"Il y avait une discipline" à Riaumont, selon le père Christophe Gapais, le nouveau prieur de la communauté, niant cependant une "violence institutionnalisée", érigée en système.
O.Friedrich--VZ