

En Irak frappé par la sécheresse, un barrage vide aux trois quarts
Entre mauvaises pluies et barrages érigés en amont chez le voisin iranien, le barrage de Dukan dans le nord de l'Irak est vide aux trois quarts, synonyme de rationnement d'eau pour des millions d'habitants touchés par la sécheresse.
Près de l'immense lac artificiel aménagé dans les années 1950 pour servir de réservoir, la sécheresse se voit à l'oeil nu. Une terre craquelée apparaît là où, il y a un an encore, l'eau recouvrait tout.
En comparant des images satellitaires de Sentinel-2 analysées par l'AFP, on constate que la surface du lac Dukan a diminué de 56% entre fin mai 2019, dernière année où il était entièrement plein, et début juin 2025.
Plus grand barrage de la région autonome du Kurdistan, Dukan peut retenir sept milliards de mètres cubes d'eau. Ses réserves actuelles sont de 1,6 milliard, indique à l'AFP son directeur Kochar Jamal Taoufiq. Soit "environ 24%" de sa capacité.
"Sur ces 20 ou 25 dernières années, nous n'avons jamais eu un niveau aussi bas", reconnaît le responsable, même si dans l'histoire du barrage des pénuries similaires ont été recensées.
La faute au "changement climatique" poursuit-il, citant "le manque de précipitations" et leur irrégularité: cet hiver sa région a reçu 220 mm de pluies -- contre au moins 600 mm en temps normal.
"Deuxième cause": les barrages "dans le pays voisin" en amont sur la rivière du Petit Zab, qui alimente Dukan. Ce cours d'eau prend sa source en Iran également touché par la sécheresse, où des dizaines d'ouvrages ont été érigés pour retenir plus d'eau.
- "Manque de pluies" -
Bagdad dénonce régulièrement ces barrages construits par ses voisins turc et iranien, deux poids lourds régionaux, les accusant d'avoir considérablement réduit le débit des mythiques fleuves Tigre et Euphrate à leur arrivée en territoire irakien.
Mais Dukan illustre aussi certains effets du changement climatique qui terrasse l'Irak et ses 46 millions d'habitants: hausse des températures, sécheresses successives depuis au moins cinq ans, désertification galopante.
Fin mai, les réserves d'eau du pays étaient au plus bas depuis 80 ans.
Niché entre les collines surplombant Dukan, le bucolique village de Sarsian se trouve près du lac et de l'embouchure du Petit Zab.
Hussein Khodr travaille le sol d'un champ qu'il va planter. Son terrain faisait partie des terres immergées par les eaux de Dukan depuis 2012, dit-il.
Ici, sur ces terres fertiles disponibles par intermittence, les paysans privilégient les cultures de courtes durées pour des récoltes à l'automne: concombres, melons, poids chiches, graines de tournesol ou haricots.
Ces cultures estivales, écoulées sur les marchés environnants, ne suffiront pas à compenser ses pertes hivernales, regrette M. Khodr.
Cet hiver, dans un autre secteur près du village, il a planté 13 hectares, principalement du blé. "La récolte a échoué à cause du manque de pluie", reconnaît-il, indiquant avoir perdu près de 5.000 euros.
"Nous n'avons pas de puits pour irriguer de vastes surfaces", déplore-t-il. "Je ne peux pas amortir les pertes de 13 hectares avec un seul hectare près de la rivière".
- "Rationnement plus strict" -
En aval, le manque d'eau à Dukan touche les quatre millions d'habitants des régions de Souleimaniyeh (dans le Kurdistan) et de Kirkouk, même pour leur eau potable.
Depuis plus d'un mois, les stations d'épuration de Kirkouk, province voisine du Kurdistan, composent avec une "chute soudaine" des quantités d'eau qui leur parviennent --environ 40% en moins-- reconnaît le responsable local des ressources hydriques Zaki Karim.
Dans un pays ravagé par des décennies de conflits, aux infrastructures en déliquescence et aux politiques publiques défaillantes, les habitants reçoivent déjà l'eau par intermittence.
Les dernières pénuries imposent "un rationnement plus strict" et des distributions d'eau plus espacées, reconnaît M. Karim.
Outre le porte-à-porte pour sensibiliser contre le gaspillage, les pouvoirs publics font la chasse aux branchements illégaux sur le réseau d'eau.
Dans la province d'environ deux millions d'habitants, on veut minimiser l'impact sur le chef-lieu de Kirkouk --peut-être au détriment des villages et localités les plus reculés.
"Si certaines stations d'épuration connaîtront des difficultés d'approvisionnement, nous veillerons à éviter toute interruption totale, afin que chacun puisse recevoir sa part", tempère M. Karim.
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L.Wagner--VZ