Procès Le Scouarnec: l'accusé veut "réparer", plaide la défense
"Réparer", c'est l'objectif que s'est fixé Joël Le Scouarnec, a plaidé lundi la défense de l'ex-chirurgien pédocriminel, jugé à Vannes depuis fin février et qui prendra une dernière fois la parole dans la journée avant que la cour ne se retire pour délibérer.
Accusé de viols et agressions sexuelles sur 299 personnes, pour la plupart des patients mineurs au moment des faits, il a été qualifié vendredi de "diable" en blouse blanche par l'avocat général. Ce dernier a requis à son encontre la peine maximale, 20 ans de réclusion, et toute une série de mesures de sûreté en raison "de risques très élevés de récidive".
"C'est durant sa carrière qu'il va commettre l'impensable en tant que chirurgien, mais il va aussi soigner, guérir, sauver, soulager des milliers de personnes", a relevé l'un de ses avocats, Me Thibaut Kurzawa.
"Réduire Joël Le Scouarnec à ce qu'il a fait de mal, durant une période aussi importante soit-elle, avec un nombre de victimes aussi important soit-il, ce serait inévitablement nier l'autre visage d'un homme", a plaidé l'avocat.
La défense de Joël Le Scouarnec, 74 ans, a déjà admis devant la cour criminelle du Morbihan qu'il est "archi coupable" mais elle a constamment insisté sur l'évolution accomplie depuis son arrestation à Jonzac (Charente-Maritime) en 2007 après le viol d'une voisine de six ans.
"Ce travail sur lui-même a fini par être fructueux et s'est traduit par un fait majeur: la reconnaissance pleine et entière de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés", le 20 mars, a réaffirmé Me Kurzawa lundi.
Joël Le Scouarnec a même avoué des violences sexuelles déjà prescrites et d'autres encore inconnues, comme celles commises sur sa propre petite-fille, qui font l'objet d'une nouvelle procédure au parquet de Lorient.
Pour Me Kurzawa, l'accusé après son arrestation, voici huit ans, "a formulé un voeu: celui d'avancer et de réparer" et "c'est cette réparation qui l'anime", "seule boussole dans sa cellule".
Depuis le début du procès, la défense répète qu'elle ne cherche pas à "déresponsabiliser" ou à "victimiser" Joël Le Scouarnec, mais il est important de "chercher à comprendre comment il est devenu" pédophile, a ajouté Me Kurzawa.
- Rétention de sûreté? -
Plus que sur l'origine de ses multiples perversions, c'est sur leur "dangerosité" que l'avocat général Stéphane Kellenberger a insisté vendredi. Il a notamment requis une mesure spéciale de "rétention de sûreté", s'appliquant après qu'un condamné a purgé sa peine, "du fait des troubles graves de sa personnalité".
Le magistrat a également demandé que l'accusé soit interdit définitivement d'exercer la médecine ou une autre profession dans le domaine de la santé, et n'ait plus le droit d'exercer auprès de mineurs ni de posséder un animal, en raison de sa zoophilie.
- "Au milieu du gué" -
Joël Le Scouarnec a affirmé à plusieurs reprises à la cour ne plus avoir d'attirance sexuelles pour des enfants, malgré l'avis contraire des psychiatres et psychologues qui ont défilé à la barre.
"Vous êtes le diable", a lancé l'avocat général dans son réquisitoire, estimant que malgré le "travail véritablement extraordinaire" de sa défense, Joël Le Scouarnec était, lui, "resté au milieu du gué", tenant "en suspens (les victimes) par sa parole", croyant "qu'il les contrôle encore".
Masque lisse, traits figés, l'accusé a habitué la cour à n'exprimer que peu d'émotions au cours de ce procès débuté le 24 février.
Lorsqu'il prenait la parole, il a souvent répété les mêmes mots, avec les mêmes intonations, des phrases atones que l'avocat général a imitées vendredi d'un air agacé.
"Je ne suis pas un comédien", s'était défendu Joël Le Scouarnec lorsque l'avocat d'une partie civile lui en faisait le reproche.
Il sera invité à prendre la parole une dernière fois lundi, après la plaidoirie de ses avocats et avant que les cinq magistrats de la cour ne se retirent pour délibérer.
Pour établir son verdict, attendu mercredi, la cour devra répondre à 841 questions concernant les 111 viols et 189 agressions sexuelles.
Arrêté en juin 2017, Joël Le Scouarnec purge actuellement une première peine de 15 ans de prison pour des violences sexuelles sur quatre enfants.
L.Babler--VZ